Thème

 

Penser les « chaînes de transitions »

Ce colloque vise à explorer les effets de trajectoires économiques alternatives dans le contexte des territoires ruraux et de nouveaux modes d'habiter : à en identifier les implications dans les politiques publiques et les pratiques professionnelles. On part de l’hypothèse que l’espace rural est un espace privilégié pour l’émergence de ces nouvelles économies. 

Les questions clefs qui pourront être développées lors du colloque sont :

  • En quoi ces territoires présentent-ils un potentiel singulier pour amorcer une économie de l'après-croissance qui dépasserait le primat des énergies fossiles? Quels en seraient les modes opératoires en terme d'aménagement ?
  • En quoi sont-ils aujourd'hui ponctuellement le terrain d'expérimentation d'autres pratiques économiques permettant de défier cette logique de croissance dominante ?
  • En quoi les disciplines de l'espace et du projet peuvent-elles être associées à ce type de réflexion, en lien avec les acteurs économiques et politiques engagés dans ces territoires ?

Aujourd'hui, ces questions font écho au débat portant sur les différentes formes de « transition » (Chabot, 2016) souhaitées ou déjà à l'œuvre dans nos sociétés contemporaines. En l'occurrence, elles rendent plus particulièrement compte de l'enjeu portant sur la transition économique, son inscription dans une «chaîne de transitions» (énergétiques, écologiques, sociales, etc.) qui façonne l'ensemble des fondements du projet et des disciplines de l'espace.

 

Imaginer un nouveau « récit économique » à l'ère de la transition énergétique 

Avec l'essor de la mondialisation et de la financiarisation de l'économie, la logique de croissance néolibérale évoquée plus haut a trouvé une forme de couronnement en matière d'urbanisation avec l'avènement du processus de métropolisation. Entre métropolisation, croissance économique et développement durable, un lien systémique s'est imposé depuis les années 1980, avec pour conséquence une accélération de « l'assèchement économique» du maillage territorial d'établissement humain, constitué par les villages et les petites et moyennes villes situées à distance des grands pôles métropolitains. Dans ce contexte, un des défis majeurs de notre époque est d'enrayer le vaste processus «d'expropriation territoriale» à l'œuvre de nos jours, de repenser la dialectique géographique et économique qui hier solidarisait ville et territoire. In fine, il s'agirait de montrer en quoi les territoires ruraux et ce maillage territorial pourraient être l'amorce d'un autre régime d'échanges économiques, d'une autre forme d'habiter dans le contexte de métropolisation.

Autre enjeu déterminant pour aborder la transition économique en termes d'habiter et d'inscription dans le territoire : la transition énergétique. La remise en question de notre système économique est intimement liée à l'évolution du modèle énergétique sur lequel repose le fonctionnement de nos sociétés contemporaines. Comme l'a montré Agnès Sinaï (2015), on ne peut pas dans ce domaine dissocier le processus de croissance économique de sa matière énergétique et physique. Pour introduire ce lien, on partira des travaux pionniers de Nicholas Georgescu-Roegen (1979) dans le domaine de la bio-économie, travaux notamment développés en France par René Passet (1979). Schématiquement, la notion de bio-économie est révélatrice de deux principes clefs rendant compte du lien entre l'établissement des sociétés et la conduite de leurs activités économiques : 

  • La recherche de processus et de principes organisationnels, allant à l'inverse du déploiement des hautes technologies, renforçant la logique d'hyper-technicisation du monde et la déprise des usagers de l'expression de leurs besoins ;  
  • La restauration des liens sociaux et de productivité des écosystèmes, pour promouvoir des formes d'économies solidaires, à l'inverse de toutes formes de surproduction et de surconsommation engendrées par la logique économique néolibérale. 

La notion de bio-économie constitue une ouverture vers d'autres « logiciels économiques » que celui de la compétition territoriale basée sur la croissance et la surproduction, conférant aux territoires ruraux un autre rôle, un autre statut. Elle suggère d'explorer un ensemble de pistes relevant de l'économie sociale et solidaire qui interpellent le système de production et de consommation néolibéral et contribuent à l'avènement d'une économie plurielle (Ndiaye, 2011). A un autre niveau, ce défi de la transition économique nous impose d'imaginer un nouveau « récit économique » comme le suggère Eloi Laurent (2016).

Par rapport aux précédentes rencontres du réseau ERPS et du réseau Alter-rurality, ce colloque sera l'occasion de revenir sur les notions de solidarité et d'équité territoriale (Sery et Saunier, 2016),  de « pacte ville/campagne » (Guillot, 2011), et sur la nécessité d’identifier les formes de cette « alter-ruralité » propre à notre époque, évoquée par Pieter Versteegh et Chris Younes (2012). 

 

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